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Comment accepter la dépression

Ça fait un moment que cet article attend de s’écrire tout seul dans mes brouillons. Il faut dire que ce serait plus facile si je n’avais pas à passer par l’épreuve de l’écrire.

Je commence à écrire sans trop savoir où je vais. Car comme souvent avec ces sujets un peu lourds à aborder, je n’ai pas de recette magique.

Le confinement a eu des retombées bien plus sombres que ce que j’avais anticipé. Je sais à quel point cette période touche profondément les gens. Pour autant je me suis estimée chanceuse. Pas de réels problème financiers, une situation professionnelle relativement stable, une situation personnelle, relativement confortable. Pourtant bien sûr dans cet environnement morose, tout est plus difficile à relativiser. J’en ai déjà parlé quelques fois, ça fait maintenant presque 2 ans que je suis une thérapie. Pour apprendre à me connaître, m’explorer, prendre du recul et réfléchir sur mon but dans la vie. Pour discuter aussi, d’une manière très différente de toutes les autres conversations qu’on peut avoir dans la vie. Plus les mois passaient cependant, et plus je pouvais sentir le poids de mes découvertes intérieures qui s’appesantissait sur mes épaules. Combiné avec le contexte actuel, qui a une prise très forte sur ma manière de fonctionner, je dois m’avouer à moi même que la dépression s’est installée. Que je n’ai pas ressenti un instant de pur bonheur depuis longtemps. Et que c’était bien fugace.

Comment j’ai identifié la dépression?

Ça faisait quelques temps que je sentais mon moral dégringoler. Avant le confinement, j’ai le sentiment rétrospectivement d’avoir été fébrile. Envie de croquer la vie, de tout faire, tout vivre, tout voir. Tout en même temps. Sauf qu’on se brûle vite les ailes à consommer la vie trop vite. Avec le ralentissement obligatoire, je me suis vue privée de toute cette énergie que je dépensais dans la vie. Et le vide s’est installé. Il a pris la forme d’un brouillard, qui s’étendait devant mon ciel bleu, jusqu’à ce que je ne sache plus quelle direction emprunter.

Petit à petit s’est installée une forme de léthargie immobilisatrice. Je décrivais à une amie que toute action ou activité devenait une épreuve. La transformation n’a pas été frappante, notamment car les deux premiers mois de ce ralentissement, le confinement faisait office de force immobilisatrice extérieure. Pourtant, avec la réouverture du monde, je ne pouvais que constater que je ne retrouvais pas l’énergie de faire les choses. Les petites actions du quotidien devenaient disproportionnées. Faire des courses me demandait parfois un ou deux jours. Les journées s’enchaînaient sans réel but. (J’en profite pour rappeler que je n’ai pas travaillé pendant quelques temps entre mes deux emplois suite à l’annulation de mon voyage au Japon #mercicovid). M’organiser et construire une structure pour chaque jour prenait une énergie folle. C’est comme si j’étais à la fois mon propre moteur et mon propre consommateur d’énergie, il n’y avait pas de flux depuis l’extérieur. C’est très destabilisant.

Ce qui m’a frappé pendant ces mois de semi-léthargie, c’est la culpabilité que je ressentais alors que je n’arrivais à rien faire. Je me suis souvenu de ce qu’une amie me racontait il y a quelques années quand elle décrivait ces phases dans sa vie. Je me souviens surtout ne pas avoir compris. Je me souviens être restée relativement hermétique. Je me souviens même avoir pensé… « elle pourrait faire un effort », « il faut que ça vienne d’elle », « c’est quand même pas si compliqué ». Et aujourd’hui, je m’en veux aussi de ne pas avoir compris. Et je comprends pourquoi il est si difficile d’en parler. Parce que l’image que nous renvoient les gens qui ne comprennent pas est violente et destructrice. Encore aujourd’hui, alors que tout commence à se mettre en place gentiment dans ma tête, il y a beaucoup de choses dont je n’arrive pas parler. Et puis c’est plus facile de s’exprimer à postériori, de raconter son expérience une fois qu’on en retire quelque chose. En revanche, raconter en live le moindre vécu ou la moindre perception, j’ai du mal…

Mettre des mots

Le plus difficile, ça a été de mettre des mots sur ces états de l’âme. Ces derniers mois, il y a eu un moment pivot dans mon acceptation de l’état de dépression. C’est le moment où, timidement, j’ai commencé à le dire. A le dire à moi-même d’abord, puis autour de moi. Encore maintenant, alors que je ne m’estime en aucun cas sortie de cette période, j’ai du mal à en parler. J’ai même du mal à l’écrire. La dépression prend des racines tellement ancrées dans l’intimité que c’est complexe d’en parler. Et puis il y a toujours cette foutue culpabilité qui s’incruste. Pourquoi, alors que tout va relativement bien dans ma vie, je me laisse aller ainsi? Les questions dépréciatives tournaient dans ma tête. Autant dire que ça n’aidait absolument pas.

Ce que je trouve le plus fou, c’est le nombre de personnes qui ressentent plus ou moins la même chose ou ont ressenti la même chose à un moment de leur vie. Je trouve ça incroyable, alors qu’on est enfermé dans ses propres pensées très individuelles et uniques, que d’autres personnes expérimentent des schémas similaires. C’est le cas pour beaucoup d’émotions dans la vie, et ces parallélismes permettent de se sentir moins seuls. C’est aussi un moyen d’emprunter des mots, de s’approprier ceux qui sont déjà utilisés, des les adapter à sa situation. Entendre les mots des autres a un côté très réconfortant.

Essayer de comprendre la dépression

A la racine de ma dépression, il y avait chez moi ce sentiment de perdre mon énergie vitale, mais aussi un sentiment d’isolement et de solitude. Pour autant, j’avais plus de familiarité avec ce second sentiment, vivant avec depuis l’enfance. C’est le premier, le lien avec l’énergie, que j’ai trouvé le plus dévastateur.

Au delà de ce que je ressentais, je voulais comprendre. D’où vient tout ça, pourquoi ça se manifeste en moi. Alors je pense que je peux passer une vie à tricoter et détricoter les mailles de mon esprit, pour autant je pense qu’il y a aussi des facteurs extérieurs.

Je ne saurais dire si les générations précédentes vivaient de manière aussi large des épisodes de dépression. Bien sûr certains écrivains du XIXème siècle manifestèrent leurs périodes de spleen. Pourtant en se référant à ces derniers, on ne parle pas forcément de la majorité des gens. Force est de constater à quel point la société s’est transformée en 200 ans. En laissant place à l’individualisme et la réalisation personnelle. En laissant place à une forme de responsabilité pour conduire sa propre vie. En découvrant la nécessité de devenir le capitaine de son âme. En perdant petit à petit le lien avec sa famille, ses racines. On vit plus loin des siens, on passe moins de temps avec eux. Je pense qu’il s’ensuit une sorte de déséquilibre, comme si l’ancrage n’était plus aussi bien établi. Peut-être qu’on en reparlera.

Il y a dans toutes ces transformations une nécessité d’adaptation qui va peut-être prendre encore plusieurs générations. Pour auto-générer un but dans la vie. Pour transformer nos modes de fonctionnement archaïques, des choses assimilées depuis des millénaires. J’en parlais dans l’article sur la surconsommation par exemple, mais le simple fait que depuis 100 ans on ait pu explorer le contenu du cerveau, de manière individuelle via la thérapie, l’analyse ou de manière collective via des études, prouve à quel point il y a encore des changements à venir. Notre connaissance de nous-mêmes est une discipline qui se construit de génération en génération. Mes parents ont commencé à s’interroger sur leurs échecs et leurs réussites une fois qu’ils y étaient confrontés. J’aime croire que le travail que je fais depuis 2 ans prend la suite directe de ce qu’ils ont commencé à réaliser. En éveillant ma conscience de manière prématurée, j’anticipe sur bien des étapes et des réflexions, et j’en découvre d’autres.

J’aime cette idée de continuité.

Pour conclure cet article bien long, et qui part un peu dans tous les sens j’en ai bien conscience, je voulais prendre le temps de reposer tout ce qui m’a aidé pour accepter la dépression.

  • Prendre conscience de l’état en observant ce qui ne va pas ou ce qui fonctionne différemment par rapport à d’habitude
  • Mettre des mots sur ce qui se passe, que ce soit les siens ou ceux des autres.
  • Chercher à comprendre les racines du problème.

Aujourd’hui, j’en suis là, je tourne en boucle en observant ce que j’arrive mieux à faire et ce que je n’arrive pas à faire. Je continue de mettre des mots, petit à petit et je cherche toujours à comprendre.

Si vous avez déjà vécu ces épisodes, dîtes-moi ce qui vous a aidé en commentaire, je suis de tout cœur avec vous. Et si vous n’avez jamais effleuré cet état, je suis contente pour vous, et je ne vous le souhaite pas. En revanche please, essayez d’écouter quand on vous en parle, sans chercher de solutions pour l’autre. Il ne vous entendra pas, et c’est à lui de les trouver petit à petit.

A très bientôt… 🙂

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